EPI et 148 logements

(1994-2004)

Ilot centre, ZAC de la Morinais, Saint-Jacques de la Lande



La commune de Saint- Jacques de la Lande, contiguë à la ville de Rennes, fait partie de sa communauté d’agglomération. Situé au sud-ouest de Rennes, sur la route de Redon, le vieux bourg de Saint-Jacques de la Lande a été sérieusement endommagé par les bombardements de la dernière guerre, du fait de sa situation à proximité immédiate de l’aéroport de Rennes-Saint-Jacques situé dans l’emprise de la commune. De ce fait la mairie de Saint Jacques s’est déplacée après guerre à proximité du carrefour du « pigeon blanc », dans la partie qui jouxte Rennes, à l’intérieur de la rocade. Près de quarante ans après la mairie de Saint-Jacques, à l’initiative de son maire, Daniel Delaveau, a souhaité réunifier les territoires quelque peu éparpillés de sa commune par la création d’un nouveau centre, situé peu ou prou au centre de gravité géographique de la commune, sur les coteaux de la Morinais. A l’issue d’un concours d’urbanisme dont Jean-Pierre Pranlas-Descours a été désigné lauréat, le projet du nouveau centre de St-Jacques s’est progressivement élaboré dans les années 90, avec le concours du paysagiste Christophe Delmar, sous la houlette du directeur de l’atelier d’urbanisme Yannick Filly.

C’est dans ce contexte historique et politique que s’est élaboré le projet de l’îlot centre, pièce maîtresse du dispositif du fait de son programme et de sa situation: près de 10 000m2 d’équipements publics comprenant une école 17 classes, un conservatoire de musique, une salle polyvalente utilisable par l’école et les habitants, l’office Jacquolandain d’animation regroupant diverses associations locales, ainsi que 148 logements édifiés en trois tranches successives. Ce programme mixte offre au nouveau quartier une indéniable richesse. S’il est intéressant qu’un équipement public soit ainsi intégré dans l’idée d’éviter l’effet mono culturel trop souvent caractéristique de celles qui furent appelées cités dortoir, sa présence au cœur des logements posait néanmoins des questions précises dès l’origine du projet, questions de plusieurs ordres : acoustique, visuel, juridique, symbolique etc. Comment faire en sorte qu’une école située en cœur d’îlot reste perceptible depuis l’espace public ? Comment faire en sorte qu’elle puisse bénéficier de l’intimité nécessaire à son bon fonctionnement sans constituer une gène pour les logements et inversement? Ces questions ont orienté d’emblée le projet. Ajoutons à cela que la maîtrise d’ouvrage, en particulier pour les équipements publics, s’est révélée être un acteur de premier plan, conscient de la chose publique, partenaire indispensable d’un projet secrété de longue date, 10 ans entre la date du concours et la livraison de la dernière tranche de travaux. C’est précieux et suffisamment rare pour que cela mérite d’être souligné. Grâce à lui la mission a été complète, dans tous les sens de ce terme, jusqu’au dessin des mobiliers scolaire et intégré, en passant par un suivi assidu des différentes phases de travaux. L’architecture du projet s’est élaborée à partir de notions fondamentales telles que: hiérarchiser, distinguer, asseoir. Après quoi nous évoquerons la question des matériaux ainsi que les caractéristiques des différentes phases de logements.

Hiérarchiser ; Les règles du Pos issues du projet urbain préconisent un îlot en « U » ouvert à l’ouest. Les dimensions généreuses de l'îlot -100mx120m- déterminées par le maillage des champs autant que par une référence explicite de l’urbaniste à la trame Barcelonaise ont ici amené à hiérarchiser l'espace central de l’îlot en cours et jardins de dimensions plus réduites, mieux en rapport avec les activités qui leurs sont contiguës. Cours et jardins s’organisent ainsi du plus petit au plus grand, en forme de spirale de croissance et en correspondance avec les activités du programme de l’Epi : Crèche, halte garderie, restaurant des enfants, cour du premier cycle, cour des grands etc. Les cours et jardins sont définis par leur échelle, leur position stratégique et leur orientation. L’orientation détermine en effet au premier chef le travail sur les cours et jardins, au même titre que celui des logements qui forment couronne. L’observation de la coupe sur les volumes adjacents fait apparaître la forme des toitures ici réglée de manière à favoriser l’introduction de la lumière et du soleil au sein des cours et des jardins, ce qui se traduit par des évasements ayant pour effet de les agrandir visuellement par rapport à leur surface réelle. Une relation d'appartenance est ainsi établie entre l’intérieur et ses prolongements extérieurs.

Distinguer :
L'Epi, Equipement Public Intégré, est par définition mêlé au logement, chair de la ville. Ce fait nécessite dans le même temps qu’on le puisse distinguer ; identifier clairement : L’école n’est pas la maison, il est important de le souligner afin d’éviter toute confusion. Deux principes permettent d’y remédier. Le premier consiste à donner "pignon sur rue" à chaque partie de l’équipement, soit une entrée indépendante depuis l'espace public : L’école, la crèche, le restaurant scolaire, le forum sont ainsi clairement distribués depuis l’espace public. L’autre principe consiste à permettre l’identification de certaines pièces particulières ou emblématiques de l’école : le restaurant des enfants, petite maison dans la cour du premier cycle à l’articulation des petits des moyens et des grands ; la bibliothèque, clairement identifiable depuis le mail ouest, offrant en retour un regard vers l’extérieur ; l’école de musique qui en cours de projet est venue se jucher sur le forum ; le forum enfin, clef de voûte de l’ensemble, à l’image d’un coquillage fossilisé dans sa gangue, mêlé à la fois a ce qui l’entoure tout en s’en distinguant par sa forme ronde caractéristique, qui fait qu’à partir d’un simple fragment on puisse intellectuellement en restituer le tout. Les parties de l’Epi, activités scolaires comme extra scolaires communiquent directement avec le forum, à l’instar des membres d'un même corps. Un chemin sur les toits, chemin de ronde en quelque sorte, outre les arguments fonctionnels propres à le légitimer (accès pompiers, issues de secours, circuit court) permet d’exprimer de visu les rapports établis entre les différentes parties de l’équipement public intégré.

Asseoir
Le terrain naturel est « mis en terrasses » par le projet d’après la topographie du site dont la déclivité est de 3 mètres dans la diagonale nord-ouest/sud-ouest. L’Epi, socle constructif et symbolique des habitations qui le jouxte ou le surplombent, digère en quelque sorte la déclivité en s’organisant par plateaux successifs reliés entre eux par des rampes, permettant l’accès à tous de cet édifice public, par la mise en place d’entrées indépendantes nécessaires depuis l’espace public. Le jeu des rampes en cœur d’îlot facilite la communication entre les parties de l’Epi en cœur d’îlot, déterminant à son tour les arases des jardins intérieurs, dont les différences se calent sur des multiples de 16cm, hauteur de marche pour l’ensemble de l’Epi, favorisant ainsi l’économie naturelle de la multiplication des ascenseurs. Les décalages induits par la topographie se retrouvent in fine dans la silhouette des couronnements, manière indirecte d’exprimer le coteau de la Morinais.

Matériaux
Les matériaux sont en relation directe avec l’usage qui les sous tend. Pour l’Epi cela signifie: ce que l’on touche, chaud ou froid, ce que l’on voit, ce qui diffuse ou réfléchit la lumière, accepte ou non les outrages du temps, absorbe ou résonne etc. Cela se traduit par le béton brut, rehaussé de parties blanches, les menuiseries en bois naturel -Bossé- et le même bois pour le mobilier, les parties basses de même que l’on touche ainsi sans trop salir, les larges surfaces vitrées dispensant la lumière naturelle, le sol en grès rugueux ou linoléum véritable pour l’intérieur des salles de classe, les toitures en zinc, les chassis en tissu coloré pour l’acoustique, les grands à plats blancs de la couronne des logements pour éclairer les cœurs d’îlots etc. Les choix des matériaux du projet se sont ainsi toujours effectués en rapport avec les conditions générales du site et du projet.

Logements
Les logements ont été édifiés en 3 tranches différentes, avec le même maître d’ouvrage, l’opac 35. La première tranche comporte 57 logements locatifs (Pla), la deuxième 40 logements en accession (Pap), la troisième et dernière tranche comporte enfin 51 logements , dont 26 en accession (Pap) et 25 locatifs (Pla), ce qui fait en tout 148 logements (82 Pla et 66 Pap) très différents d’une tranche à l’autre du fait des orientation différentes d’une tranche à l’autre, mais aussi de l’évolution des règlementations, assez sensible sur la décennie au cours de laquelle s’est élaboré le projet (de 1994 à 2004). A titre d’exemple, la première tranche comporte partiellement des coursives, en alternance ou conjugaison avec des distribution intérieures, du fait qu’ « en ce temps là », on pouvait encore faire passer une coursive extérieure de distribution en contrebas des logements longés à l’occasion, quelques marches suffisant alors à assurer leur l’intimité. Cela ne fut plus possible pour les autres tranches, ce qui nous a amenés changer noter fusil d’épaule.

- Les logements de la première tranche (57 Pla) sont ainsi tous traversants, nord-sud ou est-ouest, avec systématiquement des duplex au dernier niveau qui permettent d’interrompre la distribution à l’avant dernier niveau. Les séjours sont toujours coté ouest ou cote sud, en l’occurrence coté jardin , tandis que les chambres se trouvent à est et au nord.
- Les logements de la deuxième tranche (40 Pap) sont majoritairement des simplex, pour beaucoup à double orientation est-ouest, desservis par deux noyaux de distribution verticale, les chambres étant ici encore à l’est tandis que les séjours se retrouvent à l’ouest, formant avec la cuisine et une vraie loggia un triptyque habitable. La plupart des logements sont traversants ou à double orientation, à l’exception de 5 T2 orientés à l’ouest, coté jardin. L’angle sud est traité en évasement plutôt qu’en pointe, pour mieux y habiter, manière aussi de répondre à la direction donnée par un corps voisin de ferme de l’autre coté de la rue.
- La dernière tranche (51 logements dont 26 Pap et 25 Pla), présente un corps de bâtiment parallèle à l’un de ceux de la première, orienté nord-sud, à ceci près qu’ici le nord se trouve coté jardin et le sud coté rue. Là encore tous les séjours sont orientés au sud, les logements étant majoritairement traversants, à l’exception de T3 orientés plein sud. Pour les logements traversants, les chambres et les cuisines se trouvent au nord, coté jardin, tandis que séjours et loggias sont orientés plein sud. Dans ce cas, séjour et cuisine forment un vrai traversant, excellent pour la lumière et la ventilation, que prolonge au sud la loggia, véritable pièce (10 m2) dessinant la façade, regroupant ainsi les différentes loggias dans un motif tripartite sur toute la hauteur du bâti.
.
<<< Retour page STJ